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Unibail-Rodamco-Westfield : un rapprochement évident, mais pour qui ?

La marque Westfield sera progressivement déployée dans les centres "flagship" du groupe Unibail-Rodamco, comme Les Quatre Temps à La Défense © D.R. 

En rachetant Westfield en décembre 2017, Unibail-Rodamco a confirmé sa stratégie de concentration sur des centres de shopping de destination, dit flagships.

Ils représentent déjà 84 % du patrimoine du nouveau groupe en valeur. Leur part devrait croître à mesure que les projets dans les pipe lines des entités fusionnées sortiront de terre.

Christophe Cuvelier, président du directoire d’Unibail-Rodamco, l’a dit : "l’acquisition de Westfield est en pleine cohérence avec [sa] stratégie de concentration, de différenciation et d’innovation. Elle vient compléter [son] empreinte, avec une implantation à Londres ainsi que dans les meilleures zones de chalandise des États-Unis.

Des synergies sont annoncées. En particulier, la marque Westfield sera étendue aux flagships d’Unibail-Rodamco. "La création de la première plateforme mondiale pour les enseignes et les marques [positionne] le groupe comme partenaire incontournable pour toutes les enseignes internationales". 

Or, à y regarder de plus près, l’offre ainsi constituée est-elle si "incontournable" que cela pour les enseignes ? 

Combien sont susceptibles de faire le choix de se développer en priorité dans les centres Unibail-Rodamco-Westfield de par le monde, si prestigieux et performants soient-ils ? 

La stratégie de maillage du territoire, qui a porté le développement des centres commerciaux pendant des décennies, aurait-elle vécu ? Les enseignes ont-elles besoin, en 2018, de cibler quelques capitales aux États-Unis et en Europe, ou au contraire de multiplier les points de contact avec le consommateur là où il se trouve ? 

Ces synergies affichées ne sont peut-être, finalement, que les "externalités" positives de la seule stratégie possible pour un leader de la carrure d’Unibail-Rodamco. 

Celle qui consiste à investir toujours davantage dans son propre modèle pour entretenir la confiance, n’en déplaise aux analystes qui se sont émus de cette acquisition à l’heure où la vacance s’accentue dans les centres commerciaux français — semblant ne pas voir qu’elle répond précisément à cette menace. 

La stratégie du groupe a sa cohérence interne : un positionnement de leader spécialiste des centres premium implique un réseau à la fois sélectif et international, de tels centres étant par définition rares. L’acquisition de Westfield fait gagner à Unibail-Rodamco des années de développement forcément difficile hors de ses frontières actuelles. 

Quoi qu’il en soit, cette acquisition est là pour rappeler la profonde recomposition à l’œuvre sur le marché des centres commerciaux. 

Il n’y a décidément plus rien de commun, aujourd’hui, entre un pôle de destination drainant plus de 15 millions de visiteurs et la masse des centres ordinaires. 

Nombre de ces derniers, frappés d’obsolescence, sont menacés de disparition. Ceux qui en réchapperont ne le devront qu’à l’heureuse conjonction d’un contexte urbain favorable et d’un investisseur porteur d’un bon projet de restructuration. Ce marché de la restructuration attend peut-être encore son "champion" : on a compris que ce ne serait pas Unibail-Rodamco-Westfield. 

À moins que, plus probablement, les initiatives soient d’abord locales, et fassent émerger ici et là de nouveaux modèles, reproductibles à grande échelle, ou non. BUSINESS IMMO Janvier 2018